
La Cour administrative d'appel de Nantes sursoit à statuer sur le projet d’hôtel de luxe compte tenu du manque de prise en compte de l’intérêt patrimonial de l’îlot.
En octobre 2020, la ville de Rennes avait accordé un permis de construire pour un hôtel et un restaurant situés dans l’îlot urbain compris entre le boulevard de la Liberté et la rue Descartes, aux numéros 3-5-7-9 du boulevard de la Liberté et 5-7 de la rue Descartes.
Cependant, le terrain de l’opération projetée est situé:
- aux abords de plusieurs monuments historiques et fait ainsi l’objet d’une protection au titre des abords ;
- au sein d’un îlot comprenant sept immeubles présentant un intérêt patrimonial, classés par le plan local d’urbanisme intercommunal en tant que patrimoine bâti d’intérêt local 1, 2 ou 3 étoiles, correspondants respectivement aux édifices intéressants, témoins de l’histoire locale, aux édifices significatifs de qualité patrimoniale et aux édifices remarquables ou exceptionnels de grande qualité patrimoniale.
Les riverains ont fait appel à Maître Sébastien COLLET et Maître Morgane LEDUC pour contester ce projet.
À la suite du rejet de leur requête par le Tribunal administratif de RENNES, il a été fait appel du jugement devant la Cour administrative d'appel de Nantes.
Par un arrêt du 11 février 2025, les Magistrats nantais décident de surseoir à statuer sur la requête (Cour administrative d'appel de Nantes, 11 février 2025, requête n°23NT02214).
En effet, les Juges d’appel retiennent trois des moyens soulevés par les conseils des riverains :
- Selon eux, le sixième et le dernier étage du bâtiment situé au 9 Bd de la Liberté, ne peut être regardé comme un étage partiel, de sorte que le permis méconnait les dispositions du PLUI régissant la hauteur des bâtiments ;
- Il n’apparaît pas que la construction projetée située au 9 Bd de la Liberté ait tenue compte des caractéristiques patrimoniales des bâtiments patrimoniaux qu’elle jouxte et les bâtiments en cause porte atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants.
- Le même bâtiment situé au 9 Bd de la Liberté ne peut être regardé, s’agissant de son raccordement aux bâtiments voisins, comme respectant les dispositions de l’article 4-1 du règlement du PLUI.
Pour ce faire, les Juges ont principalement considéré :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 2 du règlement du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) applicable à toutes les zones et du règlement graphique
(…)
17. Il résulte des dispositions précitées que la qualité d’étage partiel s’apprécie par rapport à l’étage directement inférieur situé au sein du même bâtiment et non à l’échelle de l’ensemble de l’opération projetée, qui comporte en l’espèce plusieurs bâtiments de hauteurs différentes. D’une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans PC 5.2 « Elévation» ainsi que PC 39.1 « Plan de R+ 5 » et « Plan de R+ 6 » que le bâtiment projeté situé au 9 boulevard de la Liberté comporte six étages au-dessus du rez-de-chaussée et que l’emprise du dernier étage est d’une surface supérieure à 70% de l’emprise de l’étage directement inférieur. La circonstance que la surface de plancher créée soit inférieure à celle de l’étage directement inférieur est à cet égard sans incidence. En outre, il ressort également de ces plans, que les façades de ce bâtiment donnant sur la voie publique, qui intègrent les volumes structurels et les éléments de modénature, comportent des piliers supportant la dalle et la toiture de cet étage et s’inscrivent à l’alignement des trois étages inférieurs. Enfin, s’agissant des autres façades de cet étage, celles-ci ne présentent pas un retrait par rapport à l’étage directement inférieur. Par suite, il ressort des pièces du dossier que les façades de ce dernier étage sont alignées avec l’étage directement inférieur sur plus de 50 % du linéaire cumulé des façades de ce bâtiment. Le sixième et dernier étage du bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté ne peut donc être regardé comme un étage partiel, de sorte que l’arrêté contesté méconnait les dispositions citées au point 16 régissant la hauteur de ce bâtiment.
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme et de l’article 4 du règlement du PLUi applicable à toutes les zones :
« 20. L’environnement dans lequel est situé l’opération en litige présente un caractère hétérogène, les constructions y étant d’époque, de style, de forme et de gabarit différents. Toutefois, le terrain de l’opération projetée est situé aux abords de plusieurs monuments historiques et fait ainsi l’objet d’une protection au titre des abords. Il est en outre situé au sein d’un îlot comprenant sept immeubles présentant un intérêt patrimonial, classés par le plan local d’urbanisme intercommunal en tant que patrimoine bâti d’intérêt local 1, 2 ou 3 étoiles, correspondants respectivement aux édifices intéressants, témoins de l’histoire locale, aux édifices significatifs de qualité patrimoniale et aux édifices remarquables ou exceptionnels de grande qualité patrimoniale. D’une part, s’agissant du bâtiment situé au 7 boulevard de la Liberté, le projet inclut la conservation de la façade et la reconstruction à l’identique des pignons, de la façade arrière des souches maçonnées et de la toiture de cette construction. Par ailleurs, s’agissant des bâtiments situés 3 et 5 boulevard de la Liberté et 5 et 7 rue Descartes, les bâtiments projetés sont d’une hauteur de R+ 5, qui n’est pas en rupture avec les bâtiments situés à proximité. En outre, le rythme des ouvertures ainsi que les pierres et les enduits employés, qui seront de couleur beige et ocre, rappellent ceux des bâtiments voisins. Le projet contesté, s’agissant de ces bâtiments, a ainsi tenu compte dans les volumes, les teintes et les ouvertures des caractéristiques patrimoniales des bâtiments contigus. A cet égard, la circonstance que les matériaux utilisés ne soient pas identiques à ceux de ces bâtiments existants, qui ont été construits au XIXème siècle, ne permet pas d’établir que le projet n’aurait pas tenu compte des caractéristiques patrimoniales des bâtiments. D’autre part, s’agissant du bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté, celui-ci est situé entre deux bâtiments classés 1 et 2 étoiles au sein du PLUi et ce bâtiment présente une toiture plate et une hauteur en R+ 6, nettement supérieure à celle des immeubles patrimoniaux voisins. Par ailleurs, si les façades des deux premiers étages sont alignées sur celles des bâtiments contigus, elles présentent un important recul au niveau R+ 3. En outre, les façades des deux derniers étages de ce bâtiment donnant sur la voie publique, qui intègrent les volumes structurels et les éléments de modénature, comportent des piliers supportant la dalle et la toiture de cet étage permettant la réalisation de vastes terrasses, en nette rupture avec les deux bâtiments protégés, construits au XIXème siècle, entre lesquels il est situé. Par suite, il n’apparaît pas que la construction projetée située au 9 boulevard de la Liberté ait tenu compte des caractéristiques patrimoniales des bâtiments patrimoniaux qu’elle jouxte et le bâtiment en cause porte ainsi atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants.
(…)
22. S’agissant des bâtiments situés au 3 et 5 boulevard de la Liberté et 5 et 7 rue Descartes, leur hauteur est sensiblement équivalente aux constructions auxquelles ils sont accolés. Par ailleurs, s’agissant du bâtiment situé au 3 et 5 boulevard de la Liberté, s’il dispose d’une toiture plate celle-ci sera raccordée au bâtiment contigu au niveau du faitage de ce dernier. En outre, s’agissant du bâtiment situé au 5 et 7 rue Descartes, situé entre deux bâtiments de hauteur différente, le raccordement s’effectue notamment au niveau de l’égout du toit du bâtiment voisin. Il ressort ainsi des pièces du dossier que les constructions ont fait l’objet d’une recherche de raccordement avec les bâtiments contigus. En revanche, s’agissant du bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté, il ressort des plans PC 5.2 « Elévation », qu’il présente une hauteur en R+ 6 nettement plus importante que le bâtiment à côté duquel il est situé, et fait en outre l’objet d’un recul à partir du R+ 3 par rapport à la construction voisine. Dans ces conditions, le bâtiment situé au 9 boulevard de la Liberté ne peut être regardé, s’agissant de son raccordement aux bâtiments voisins, comme respectant les dispositions citées au point 18. »
Il est laissé huit mois au promoteur pour tenter de régulariser la situation (article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme).
C’est désormais au porteur projet d’arbitrer sur le point de savoir si son projet est toujours viable au regard des modifications qu’ils devront y apportées.
Morgane LEDUC